Les Bombardiers en piqués en Chine 2

Bombardement en Piqué 2

Le D1A1



94 shiki Bakugekiki (Aichi D1A1)


Ni les projets Kushoo 6-shi, ni le 7-shi de Nakajima ne furent acceptés par la marine Impériale, principalement à cause de leur faible stabilité durant le piqué.
Pour le projet suivant de bombardier en piqué embarqué 8-shi, la Marine Impériale demanda de nouvelles épures à Aichi et Nakajima. Avec l’accord de Heinkel et sous licence, Aichi décida de développer son projet à partir du He 50 qui équipait la Luftwaffe  ( alors nouveau concept de guerre aérienne). Une commande d’un He 50 devant servir de modèle fut placée et prit la désignation à l’export de He 66.
Malgré son apparence obsolète pour l’époque, le fait de pouvoir aussi bien adapter un train ou des flotteurs ainsi que son concept classique était pratique. Le He 66 fut équipé au début d’une hélice quadripale en bois et les jambes de train restait attachés au fuselage. Mais Aichi demanda certaines modifications : une hélice bipale, un train fixé au-dessous des ailes. En dessous du fuselage, un bras en acier  permettait de placer la bombe en dehors du rayon de l’hélice durant le piqué.
En 1934, le chef du bureau d’étude Gomei Tokuichiro et son assistant Kobayashi Yoshimichi remplacèrent le moteur d’origine Siemens par un Nakajima Kotobuki 2-kai-1 et une hélice bipale en métal, ainsi  que diverses améliorations mineures. L’appareil fut présenté à la Marine comme  le Aichi 8-shi bombardier spécial (8-shi Tokushu Bakugekiki) -aucune mention de bombardier en piqué pour raison de sécurité-.
Comparé au prototype de Nakajima, l’appareil d’Aichi  avait une meilleure stabilité et était plus maniable. Du fait de ces qualités et d’autres considérations, la Marine accepta le prototype à Kure en décembre 1934 avec la désignation de bombardier léger embarqué de type 94, vite changé en Bombardier Embarqué Type 94 ( 94 shiki Kanjoo Bakugekiki) ou plus simplement D1A1 (AB-9 dans la classification de la compagnie Aichi). Il devint le premier appareil de chez Aichi à être produit en série et confirma la compagnie comme producteur exclusif de bombardier en piqué pour la Marine Impériale durant toute la guerre du pacifique. Au début du conflit sino-japonais, le D1A1 fut le seul bombardier en piqué opérationnel, donnant d’excellent résultats de bombardement de précision sur des cibles spécifique. Les Américains, croyant avoir à le combattre durant la guerre du pacifique le surnommèrent « Susie » mais à cette époque là, seulement quelques exemplaires restaient encore en service.

Caractéristiques du Type 94 :

Monomoteur de bombardement en piqué biplan de conduite extérieure à structure métallique et bois recouvert de toile. Les ailes se replient vers l’arrière pour le rangement en porte-avions. L’équipage est de deux (pilote et navigateur/mitrailleur)
Motorisation :  Siemens SAM 22b de neuf cylindres en étoile refroidis par air de 520 CV propulsant une hélice quadripale en bois pour le He 66. Nakajima Kotobuki 2-Kai-1 de neuf cylindres en étoile refroidis par air de 580 CV propulsant une hélice bipale en métal  à pas fixe pour le D1A1.
Armement : deux mitrailleuses fixes de 7.7 mm  vers l’avant, une  7.7 mm mobile vers l’arrière.  Charge de bombes : une de 250 kg au-dessous du fuselage, deux de 30 kg sous les ailes.
Longueur : 9.76 m
Envergure : 11.50 m
Hauteur : 4.15 m
Surface alaire : 34.8 m²
Poids à vide : 1.600 kg
Poids en charge : 2.600 kg
Charge alaire : 74.7 kg/m²
Poids au CV nominal en kg : 5kg/CV
Vitesse maximum : 229 km/h
Plafond : 6.400 m




De gauche à droite le RYUJÖ et l'AKAGI



*

Le porte-avions Ryujo fut désigné pour effectuer les premier tests de bombardements en piqué. Le Ryujo était un bâtiment  de petite taille qui ne devait pas dépasser les 10.000 t pour rester dans les limites du traité de Washington sur les porte-avions. Prévu d’abord pour un maximum de 24 appareils, la Marine insista pour doubler ce nombre et donc faire installer un second hangar. Le déplacement du navire dépassa donc de 150 t la limite permise mais le gouvernement japonais se garda d’en faire part aux autres signataires.  Le pont s’avérait aussi un peu court (160 m) pour un appontage sûr.


90 shiki de reconnaissance (Nakajima)


Les essais de bombardement en piqué commencèrent en décembre 1934 (Shôwa 9 nen) avec le type 90 de Nakajima (90 shiki 2 gô Kanjoo Teisatsuki 3 gata), avion de reconnaissance certainement pas construit pour de pareilles contraintes. Cet appareil était dérivé du Vought O2U « Corsair » dont un exemplaire avait été importé des Etats-Unis par la Marine pour étude. Le matériel navigant du Ryujo comprenait alors 12 chasseurs Nakajima A2N1-2 (90 shiki Kanjo Sentouki) + 4 réserves, 6 type 90 de reconnaissance + 2 réserves et 6 type 92 d’assaut ou Yokosho B3Y1 (92 shiki Kanjo kogekiki) + 2 réserves. Les premiers essais de bombardement en piqué s’avérèrent très éprouvant pour les équipages pas du tout préparés pour cet exercice périlleux. Les tests tendaient à se rapprocher le plus possible du piqué parfait à 90° mais la structure des appareils utilisés rendait impossible cette prouesse. Les « G » encaissés rendaient malade la plupart des pilotes et nombre de ceux-ci demandèrent rapidement leur mutation sous d’autres cieux pour échapper à ce calvaire. Le second maître Ono Satoru réussit quand même un piqué à 70° à une vitesse limitée à 280 km/h pour éviter un démembrement en vol de l’appareil. En décembre 1935, un corps spécial de bombardement  (Tokubetsu Bakugeki Buntai) fut créé et  commença les exercice de bombardement en piqué à Kure équipé du type 94 sous les ordres du Lieutenant de Vaisseau Wada Tetsujiro.


Le groupe de combat du Ryujo en 1936
Assis de gauche à droite : Quartier-maître Tarui, X, X, X, Second maître Oishi, X, X
2e ligne de droite à gauche : Second maître Fukuoka, Enseigne de Vaisseau Umebayashi, Enseigne de Vaisseau Kawaguchi, chef du 8e groupe lieutenant de Vaisseau Yoshizawa, premier Maître Terashima, quartier maître Nomura,
3e ligne de gauche à droite : Second Maître Nakayama, Second Maître Mori, Second Maître Ohta, Second Maître Nagano, Second Maître Kanzaki, X, Maître Ogawa,
4e ligne de droite à gauche : X, Maître Ito, X, X, X, X.



Wada insista pour que les entraînements de piqué s’effectuent à 90° malgré les  objections de Ono qui affirmait que l’impression d’écrasement et de remontée des testicules (sic) était insupportable. Ce même Ono, après avoir essayé le D1A1 en piqué de 90° à 450 km/h avait encaissé près de 5 G en redressant et perdu connaissance pendant un court moment. Une radio effectuée après cet exercice démontra que son estomac se trouvait au milieu de ses intestins ! De trop nombreux incidents de parcours poussèrent le Lieutenant de Vaisseau Wada à revoir ses exigences et à fixer le taux de piqué à 70°. Après ces essais effectués à Kure et sur les différents porte-avions, les D1A1 furent répartis dès 1936 de la façon suivante : 15 appareils sur le Ryujo à la place des type 92, 12 appareils sur le Kaga.


D1A1 R-373 piloté par l’enseigne de Vaisseau Tanaka Masaomi de retour sur le Kaga
après un combat le 15 août 1937.



    En 1935, le corps spécial de bombardement s’étant nettement agrandi, l’état-major de la Marine le porta à deux escadrilles et il prit le nom de Kanjo Bakugeki Buntai. La formation de nombreux pilotes et navigateurs-mitrailleurs au bombardement en piqué commença donc de façon systématique dès cette année là. D’après Ogawa Tsugiyo, navigateur venant de la reconnaissance, le piqué et la ressource étaient des plus éprouvants pour le cœur et les parties internes du corps. La plupart de ces navigateurs demandèrent ainsi leur mutations du fait de problèmes nerveux vers d’autres escadrilles, sans beaucoup de succès...


Devant un D1A1 à la base de Kanoya en février 1937, membres de l’escadrille en piqué du Ryujo.


Un système bien particulier au D1A1 permettait à l’appareil de redresser automatiquement dès le lâcher de la bombe et ainsi éviter l’écrasement à cause d’une perte de connaissance ou d’un manque de force du pilote. Parmi tous les pilotes qui s’exercèrent au bombardement en piqué, un pilotes sort du lot : Kuramasu Jitsuyoshi.


 D1A1 du Ryujo en 1937. On reconnaît la marque du Ryujo par le Katakana « Ho » suivit
d’un numéro peint sur la dérive.




La précision de ses lancés était de plus de 95% de réussite dans un rayon de 15 m. Il avait rejoint le corps spécial fin octobre 1935 et après quelques jours, il avait déjà obtenu une promotion pour ses prouesses réalisées aux commandes du D1A1. Sans avoir d’entraînement au bombardement, il ne mit que quelques heures à prendre en main le D1A1 et à comprendre cette technique bien particulière. Ayant un cœur aux battements irréguliers, il fut cependant muté dans l’aviation de l’Armée Impériale en 1940.
    Un manuel du bombardement en piqué fut élaboré en décembre 1936 suite à toutes ces expériences et servit ensuite à toutes les escadrilles japonaises jusqu’à la fin du deuxième conflit mondial.




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